Kosovo: Quand la crise budgétaire s’ajoute aux tensions politiques

La grande promesse de campagne du Premier ministre Hashim Thaçi d’augmenter les salaires des fonctionnaires et des enseignants de 30 et 50% a finalement été adoptée par le Parlement, le 31 mars, dans le vote du budget annuel. Cette mesure spectaculaire entre toutefois en contradiction avec le programme d’aide financière octroyé en 2010 par le Fonds Monétaire International. Pristina ne respectant plus les conditions d’austérité budgétaire encadrant l’accord, le FMI a décidé de suspendre son aide au Kosovo.

A la profonde crise politique que vit le pays depuis plusieurs mois, s’ajoute désormais une crise budgétaire dont Pristina aurait pu faire l’économie.

En mai 2009, la jeune république remportait une première étape dans son processus d’indépendance en adhérant conjointement au FMI et à la Banque mondiale. Un an plus tard, un prêt de 109 millions d’euros sur trois ans lui était accordé, pouvant s’étendre à 210 millions supplémentaires pour la période suivante. Au cours de l’été 2010, une première tranche de 22 millions d’euros était alors débloquée.

Si l’adhésion aux instances économiques internationales constituait une  certaine victoire diplomatique pour Pristina, elle devait surtout permettre à la très faible économie kosovare de se développer plus rapidement. Avec plus de 45% de chômage (déclaré), un PIB par habitant de 1759€ (en 2009) et un salaire moyen d’à peine 300€ par mois, le FMI lui offrait ainsi une précieuse bouffée d’oxygène.

Toutefois, à l’automne 2010, le Kosovo entre dans une crise politique aussi profonde qu’inattendue. Le jugement de la Cour constitutionnelle pousse le Président Sejdiu à la démission et provoque la chute du gouvernement ainsi que l’organisation de nouvelles élections aux mois de décembre et janvier 2011. La campagne électorale se tisse alors, entre autres, autour de deux axes contradictoires:

D’un côté, la privatisation de la très lucrative entreprise postale PTK, une mesure  impopulaire imposée par le FMI dans l’objectif de restriction budgétaire. De l’autre, la promesse du Premier ministre sortant d’augmenter de manière substantielle les salaires de la fonction publique, afin de relancer la machine économique. Si les débats furent âpres et houleux et le vote fortement retardé par la difficile constitution du gouvernement de coalition PDK-AKR, les deux mesures ont finalement été actées par l’Assemblée dans le budget annuel, le 31 mars dernier.

Atifete Jahaga, ici avec George W. Bush, deviendrait la nouvelle présidente du Kosovo et sortirait provisoirement le pays de la crise politique

Atifete Jahjaga, ici avec George W. Bush, devient la nouvelle présidente du Kosovo et offre une fragile sortie de crise

Vendre les meubles pour sauver les salaires

Ainsi, pour l’année 2011, sur un budget de 1,264 milliards d’euros, 383 millions sont dévolus aux salaires des fonctionnaires publics, contre 311 millions l’année précédente. Mais afin de financer cette mesure, la majorité a fait passer la privatisation de PTK (300 millions d’euros) dans les lignes budgétaires. En somme, c’est la vente d’un des symboles nationaux qui finance une promesse de campagne qui elle-même suspend le prêt accordé par le Fonds monétaire international. Un enchaînement inconcevable pour une opposition remontée, provoquant des échauffourées en marge du vote de l’Assemblée.

Le dénouement de cette crise budgétaire et diplomatique dépendra de la manière dont Hashim Thaçi saura négocier avec le FMI. Toutefois, dans un contexte de fortes tensions politiques marquées par l’incertitude quant au maintien du gouvernement et malgré l’élection d’une nouvelle présidente, Atifete Jahjaha, le Premier ministre se trouve aujourd’hui dans une situation très délicate. Et faire machine arrière sur cette promesse de campagne pourrait  précipiter sa chute.

En guise d’alternative au financement du budget, Hashim Thaçi a proposé la suspension de la construction de l’autoroute menant vers l’Albanie, autre chantier ô combien coûteux, symbolique et polémique. Mais il n’est guère certain que cette option sache rassurer citoyens et experts financiers.

Pierre Bonifassi

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